Absence présente

Cher A.

Hier sur les planches devant l’étang j’ai installé mon appareil photo pour me filmer. J’étais curieuse de voir à quoi cela ressemblait quand je danse. En visionnant les deux vidéos que j’ai faites je me suis rendue compte que dans l’une j’étais sortie trop loin du cadre. L’appareil a donc continué à enregister lorsque je dansais mais on ne me voit pas. Il a enregistré ma présence alors que j’étais absente de l’image. Comme si quand on est surpris de voir quelque chose et pour s’en affirmer on clignote des yeux et en les ouvrant ce qu’on a vu a disparu alors que c’était bien là. Quand on regarde l’étymologie du mot absence qui dérive du latin on trouve absentia, lui-même issu de absēns (« absent »), participe présent actif de absum (“Je suis ailleurs ou absent”), de ab + sum (« je suis »). Je suis, je reste présente mais ailleurs. L’absence n’est pas le néant, elle est l’être ailleurs.

Être plutôt qu’avoir une image, image de soi, des autres et de ce qui nous entoure. Car c’est de cela qu’il s’agit, posséder. Alors que nous ne possédons peu de choses finalement et ces possessions semblent tellement futiles aujourd’hui. Pour moi depuis longtemps. À l’instant j’ouvre un livre qui m’a influencé étant jeune de Erich Fromm “Avoir ou être”, à la page 99. Il dit L’être se réfère à l’image réelle plutôt qu’a l’image falsifiée et illusoire. En ce sens chaque essai d’élargir le spectre de l’être représente un discernement augmentée de la réalité de soi, des autres et de l’environnement…On atteint l’être quand on transperce la superficie et perçoit la réalité.

Je me pose la même question comme il y a plus de 10 ans, quand j’ai commencé à utilisé des images de magazines au lieu d’en faire moi même alors que la photographie était mon médium. Pourquoi continuer à faire des images alors qu’il en existe tellement ? À l’époque le numérique avait commencé à nous envahir et l’image a pris une importance énorme dans notre quotidien. Aujourd’hui la réflexion autour de l’image n’est pas exactement la même car ce n’est pas l’image enregistré de moi qui sera témoin de ma présence mais les émotions, les pensées, la chaleur de mon corps lorsqu’il bouge et de ce qu’il aura ressenti en ce moment.