Le bruits qui reviennent

Le spectacle du soir est orage. Grognant et lançant ses éclairs par ci par là. Le nouveau quotidien et devenu quotidien. Un quotidien dans lequel je me suis jetée à bras le corps, peut-être pour oublier ce qui se passait, pour prendre de l’avant comme c’est mon caractère et de ne pas tomber. Mais après huit semaines mon esprit est lourd et fatigué. Il fallait bien que cela arrive tôt ou tard et ça arrive au moment où l’atmosphère est lourde dehors et la transition en route vers le déconfinement. Ce mot si maniéré et coincé. Je n’arrive pas à m’y faire. Ma voisine m’a dit cet après-midi qu’elle voulait noter tout ces nouveaux mots, qui circulent depuis ces dernières semaines et dont personne pensait s’en servir il y a trois mois.

Les derniers jours je me sens comme dans un sketch, un mauvais sketch car la situation reste absurde et contradictoire. Par moment je me suis déconnectée des informations car je ne supportais plus le sensationnalisme. J’ai passé un bon nombre d’heures cette semaine à coudre, courdre des masques, retrouver cette activité qui est une descendance de la famille de ma mère. Atelier de tailleur d’hommes Le Gagne. Je retrouve les gestes, les matières, les formes. J’y ai pris plaisir de choisir des tissus et d’en réaliser l’objet de la saison. Mais plus j’en faisais plus je devenais triste, comme si avec chaque pièce réalisé la réalité prenait forme de plus en plus concrète. Cette réalité collective et la mienne. Plus j’en coupais plus j’avais l’impression de couper des morceaux de vie et de les laisser derrière moi, sans savoir vers quoi elle va se transformer.

Il y a heureusement le grognement de l’orage qui est là ce soir pour me rattacher à quelque chose que j’ai connu avant et qui restera. La nature a cet aspect d’éternel renouvellement qui apaise l’âme déchirée. Dehors les voitures passent, passent à travers les flaques et produisent des bruits tranchant, que j’avais oublié. Il faut dire qu’il n’a pas plu beaucoup durant cette période, je m’accorde avec l’orage ce soir. Cela me fais penser à Taiwan il y a deux ans en été, les fortes averses qui transformaient les trottoirs en moins que rien en grands fleuves et petits ruisseaux et rafraichissaient l’atmosphère. She’s a rainbow.